ARCHÉOLOGIE - L’archéologue et le terrain

ARCHÉOLOGIE - L’archéologue et le terrain
ARCHÉOLOGIE - L’archéologue et le terrain

La relation entre l’archéologie et le terrain étudié s’est longtemps identifiée à l’action de fouiller, considérée comme une manière d’aventure. Si cette activité est aujourd’hui devenue banale au point que chacun soit tenté d’y recourir sans en connaître parfois les méthodes et les risques, sa place dans l’archéologie ne manque pas de provoquer maintes remises en question parmi les spécialistes: elle tend à se limiter aux seuls cas où elle est indispensable. Mais comment dégager l’activité de fouille des pesanteurs ou des routines liées aux premiers moments de son histoire? Comment la situer dans une archéologie dont la prospection est désormais une des dimensions essentielles?

On l’a dit souvent, la fouille s’est d’abord limitée à quelques domaines ou à certaines époques dont les besoins spécifiques ont marqué son développement. Le déblaiement des architectures héritées de l’Antiquité aux rives de la Méditerranée ou en «Orient», les recherches d’objets – statues ou vases peints, par exemple – n’encourageaient guère la prise en compte des couches de terre qui enveloppaient comme d’une gangue les trouvailles. Mais la place croissante de la préhistoire encouragea, faute de vestiges aussi aisément reconnus, une méthode plus fine. Les géologues avaient parallèlement développé la notion de strates, analysées comme la résultante d’une évolution repérable dans l’espace et dans le temps. Ainsi naquit la pratique d’une fouille conçue comme reconnaissance et interprétation d’un jeu de couches, d’une stratigraphie , signe d’une double situation de l’homme vivant dans l’espace et dans le temps.

Cette fouille fine permettait en outre d’avoir accès à toute une série de matériels. Si les documents inscrits avaient dès longtemps sollicité l’attention des chercheurs, inscriptions grecques, latines ou arabes, ou encore tablettes cunéiformes furent désormais mieux exploitées. Dans le même temps, monnaies, os ou tessons, voire pollens, à coup sûr dépourvus de valeur esthétique, étaient pris en compte par l’archéologue. La fouille n’était plus désormais recherche de curiosités: elle était quête de documents historiques et permettait donc de retracer l’histoire de l’homme.

Cette nouvelle vocation appelle d’emblée deux remarques. L’extension de la valeur historique de la fouille semblerait presque avoir mis en lumière les dangers inhérents à cette technique destructrice. On a donc tendance à limiter son emploi comme à multiplier les précautions: le fouilleur veille avec un soin méticuleux à rendre son action, autant que faire se peut, réversible, au moins dans la démarche intellectuelle qu’elle suscite. Ainsi a-t-on été conduit à distinguer soigneusement la fouille proprement dite, qu’on ne peut refaire, et son interprétation, qui doit être, a posteriori, vérifiée, critiquée ou repensée. Cette distinction fondamentale dicte, avec le souci de la stratigraphie, les méthodes de la fouille moderne.

Mais cette recherche, qui se veut, par la découverte de documents matériels de l’histoire, enquête sur la vie de l’homme, n’échappe pas pour autant à de nouveaux dangers. Ainsi pourrait-on penser, à trop privilégier les vestiges, que leur découverte est une fin en soi. Une archéologie liée à une certaine forme d’anthropologie se bornerait donc à décrire les reflets d’une activité humaine, sans les lier aux problèmes d’ensemble, socio-économiques ou culturels, qu’ils révèlent. La fouille n’a pourtant tout son sens que si elle répond à une interrogation historique explicite. C’est à un problème tel qu’il est défini, voire redéfini avant et pendant la fouille – que répond la démarche de l’archéologue-historien. La fouille n’est donc qu’un moment de cette recherche. Nous voudrions simplement dire ici ses buts, ses modes et ses méthodes.

Les ressorts de la fouille

L’intervention de l’archéologue sur le terrain peut se présenter de deux manières fort différentes qu’il convient de rappeler.

La plus courante est, hélas, la fouille d’urgence. Les grands travaux – autoroutes, barrages – ou même les constructions les plus usuelles d’un milieu urbain – immeubles ou parkings – entraînent, par les mouvements importants de terre qu’ils impliquent, autant d’entreprises de destruction complète du patrimoine. Le résultat peut en être bénéfique et on se souvient à ce propos de la création de la crypte archéologique du parvis de Notre-Dame de Paris ou de la découverte du rempart ancien de Marseille. À l’étranger, l’aménagement de barrages sur l’Euphrate fut à l’origine de semblables projets de sauvetage en Anatolie ou en Syrie. Mais on se rappelle aussi la course menée contre le temps par les archéologues d’Orléans, et on devine, à côté de ces chantiers inégalement conduits à leur terme, des sauvetages à peine esquissés ou des maîtres d’œuvre assez habiles pour tromper la vigilance des services archéologiques compétents. En bref, jamais le patrimoine archéologique ne fut à ce point menacé. Le coût d’un chantier moderne ne permet guère de «perdre de l’argent» pour sauver le patrimoine. Il faut que d’importantes équipes de sauveteurs soient constituées et équipées pour que l’essentiel du document historique menacé puisse être sauvé à temps.

Mais une activité de fouille menée au terme d’une réflexion d’ensemble, après que l’on a confronté les ressources du site retenu aux problèmes historiques que l’on souhaite résoudre, est d’une tout autre tonalité. La fouille y est limitée aux secteurs où elle sera vraiment utile. Le temps ne pressant pas avec les mêmes inexorables limites, une méthode plus sûre peut y être instaurée. Une fouille de sauvetage devrait pourtant s’en réclamer tout autant. Il convient même qu’elle parvienne à de semblables exigences de qualité pour que les documents rassemblés parfois dans la hâte apportent, au terme des analyses qu’ils entraînent, la même qualité d’information historique. Archéologie de sauvetage ou fouille programmée relèvent ainsi, qu’elles en fassent usage ou non, des mêmes exigences de méthode.

Fouille stratigraphique et dégagement d’ensembles

La fouille est donc par essence activité d’historien, c’est-à-dire relation et interprétation de «faits» archéologiques choisis comme témoins d’un moment de la vie de l’homme. Mais le fouilleur est dans la position du lecteur qui verrait s’effacer, alors même qu’il le déchiffre, le document dont il est l’inventeur. Il importe ainsi qu’avant même d’interpréter sa trouvaille, c’est-à-dire de réfléchir sur sa place dans le temps, il en assure la pérennité en substituant au document détruit la triple image du texte, de la photographie et du dessin. Mais cet «enregistrement» de la démarche archéologique serait impossible si chacun de ses éléments n’était très finement situé dans l’espace. Une équipe doit donc préparer soigneusement le terrain choisi préalablement à toute fouille. Toute son action est dès lors orientée par ce désir de rendre durable le document fouillé.

On a longtemps débattu, non sans quelque ingénuité parfois, de l’équipe archéologique. Sa composition même apparaît aujourd’hui comme un des facteurs essentiels de la qualité du projet et de son succès. Au voyageur «archéographe» et à l’archéologue régnant sur une armée d’ouvriers, secouru par des laboratoires qui ne pouvaient être naturellement qu’à son service s’est substituée la rencontre de chercheurs de disciplines complémentaires dont les analyses participent d’un programme élaboré en commun. Le fouilleur, l’hydraulicien, le géophysicien aussi bien que le palynologue, le pédologue ou les spécialistes de laboratoire, par exemple, sont également associés à la recherche, de sa conception à son bilan. Comme il a pu exister une histoire globale, l’utopie d’une archéologie totale est un des ressorts de l’action du chercheur.

C’est donc une observation pluridisciplinaire du terrain qui guidera l’implantation des chantiers de fouille. Elle relève en partie de la prospection, mais on doit ici souligner qu’elle exige, beaucoup l’oublient, qu’une parfaite restitution dans l’espace des opérations et des trouvailles soit prévue. Celle-ci suppose qu’une rigoureuse topographie du site soit dès l’abord dressée: relevés au sol et restitutions photogrammétriques contribuent à l’établissement des plans avant fouille qui sont, avec la photo-interprétation, les éléments premiers du choix des secteurs fouillés. En l’absence de structures conservées au-dessus du sol, un réseau de coordonnées est ensuite prévu sur ces plans comme au sol: cette division arbitraire de l’espace, traduite par l’implantation de bornes et de piquets, permet la mise en place de secteurs et de carrés (5 憐 5 m en moyenne) qui repèrent en planimétrie comme en nivellement tout acte archéologique. La relation spatiale et temporelle des documents mis au jour est ainsi rendue réalisable sans retard.

Sur le terrain, la composition de l’équipe de fouille, ou, plus idéalement, les capacités de ses membres reflètent bien les diverses tâches qui sont les siennes. Chacun doit savoir d’abord manier – et choisir – la pioche, le piochon, la truelle ou le pinceau, selon la rapidité ou la délicatesse requises pour le dégagement entrepris. Très vite, on y apprend à fouiller «propre» et le balayage fréquent est un des meilleurs garants d’une bonne observation en cours de fouille. Une ou deux personnes «enregistrent» pour chaque chantier le déroulement des opérations. Tous savent ainsi décrire, relever un plan ou une coupe, manier l’appareil photographique. Architecte, photographe ou topographe sont parfois présents au côté des archéologues: ils doivent compléter leur travail, les former à leurs propres spécialités; on ne saurait admettre qu’ils se substituent à eux.

En même temps que l’équipe installe ses lieux de travail ou d’hébergement, les chercheurs reprennent l’observation du terrain pour déterminer la nature des fouilles. Le plus souvent, une prospection préliminaire a déjà fourni de très précieuses orientations. S’agit-il d’un tell? On déterminera avec soin les variations de son aspect aussi bien que ses limites. Fouillera-t-on au contraire un habitat rural dispersé? On cherchera à comparer structure géographique du site et implantation des communautés paysannes: lieu d’habitat, installations agricoles (moulins ou réseau d’irrigation par exemple), zones de culture. Parfois, un ou plusieurs textes anciens aident dans cette recherche.

Le lieu de fouille étant ainsi déterminé, une ultime phase d’observation précède l’attaque du fouilleur. À la limite de la prospection et du dégagement se situe l’observation en surface du terrain. L’altitude relative des différentes parties d’un site, la surface des carrés et la couleur de leur terre, la nature physique ou chimique de celle-ci, le matériel et parfois même les éléments bâtis qui y apparaissent, la végétation qui s’y est développée, l’aptitude du terrain à retenir l’eau après une pluie, toutes ces indications relevées et comparées selon des critères qualitatifs et quantitatifs renseignent l’archéologue: les hypothèses qu’elles suggèrent sur la nature du sous-sol guident à coup sûr ses décisions.

L’un de nous tentait d’établir la chronologie complète d’un site que sa mission étudiait; la photographie aérienne avait appelé son attention sur un secteur jusque-là inexploré. Au sol, on remarquait des briques de format inusité, des vestiges d’enduit peint de nature insolite, quelques céramiques, et sur le terrain étrangement plan apparaissaient des traces de soutènement. La mention faite, par un texte du XVe siècle, d’un palais dominant une petite fortification, tandis qu’un vestige de bastion était curieusement conservé en contrebas de l’espace étudié, confirmait l’intérêt de ce secteur. Tout portait à croire – le matériel conservé en surface le suggérait – qu’un nouveau monument s’offrait à l’équipe avec sans doute l’écho d’une période inconnue jusque-là. Des sondages puis deux campagnes de fouille ont à ce jour permis de dégager les vestiges d’un petit palais d’un type inédit.

Mais c’est l’établissement de la stratigraphie qui doit retenir l’effort de l’équipe. Elle donne en effet du temps passé, dont le déroulement s’inscrit dans le jeu des couches accumulées, une vision extrêmement claire. Il n’est pas besoin, souvent, de très vastes surfaces pour établir cet aperçu d’histoire. Un «sondage» sur 25 à 100 m2 suffit. Le fouilleur ménagera en limite de carré une manière de réserve – les bermes – qui apparaîtront en fin de fouille comme un témoin dont les parois révéleront très clairement les couches déblayées et leur relation aux architectures mises au jour. A-t-on altéré l’accumulation normale des couches successives pour faire du feu, enfoui des détritus ou creusé les fondations d’un mur? Une poche ou une tranchée saisie par cette coupe en rendront compte. Un bâtiment a-t-il brûlé? L’incendie entraînant la destruction des charpentes avant que les murs abandonnés ne s’écroulent et que les terres ne recouvrent le tout, une couche de cendre recouvrira le sol du bâtiment où se mêleront de bas en haut charbons ou vestiges de poutres calcinées, tuiles et enfin vestiges de matériaux de construction. La stratigraphie raconte l’histoire. Ainsi pratique-t-on systématiquement d’autres réserves pour ménager d’autres coupes perpendiculaires aux structures dégagées: la cross-section de Mortimer Wheeler est heureusement pratiquée par de nombreux archéologues.

On parvient de la sorte à reconstituer idéalement en volume, pour chaque sondage, la constitution progressive d’un bloc de terrain retrouvé depuis la surface jusqu’au sol vierge. Pour y parvenir, l’archéologue procède par levées de terre successives dont les épaisseurs, judicieusement calculées et variées, lui permettent de retrouver les couches ou les poches héritées du passé. Il reconnaît grâce à elles les vestiges de l’occupation humaine – vie, constructions, objets créés, squelettes – ou des événements contemporains – séismes, inondations, voire éruptions volcaniques. Chaque couche est analysée dans sa forme comme dans sa nature physique: couleur, composition des terres, etc. Le «matériel», c’est-à-dire les documents que contiennent les couches, est soigneusement recueilli, traité, puis analysé. La comparaison de sa forme, de sa nature et de sa position permet d’établir des typologies, catalogue de formes datées qui permettront plus tard d’attribuer historiquement à telle ou telle époque couches, monuments ou vestiges révélés. Le sondage stratigraphique répété en plusieurs points du site achève les explorations préliminaires; il est aussi la clé de travaux de plus vastes dimensions concernant des monuments, voire des villes entières. Mais cette archéologie aux résultats plus spectaculaires ne saurait faire oublier la valeur de la stratigraphie qui permet de mettre en relation en une même lecture les composantes spatiales et temporelles du document archéologique.

Ainsi toute fouille est-elle stratigraphique, mais celle-ci, non plus que les sondages, ne saurait pour autant rendre compte de l’ensemble d’un document archéologique. S’ils visent à retrouver le temps passé dans son déroulement et à saisir les modifications lentes ou rapides aussi bien que les lacunes d’un site, ils négligent, en privilégiant l’aspect temporel de l’évolution, la composante «espace» de l’exploration d’un site. Veut-on saisir le cadre de vie de l’homme dans sa complexité aussi bien que dans son détail, de plus vastes fouilles sont nécessaires, qui révèlent l’habitat privé ou les constructions religieuses, les centres du pouvoir ou l’organisation de la ville, les points et les méthodes de production, la nature des réserves et des ressources. Les programmes que de telles découvertes motivent sont nombreux: partout, une extension de l’exploration permet seule de rendre compte de tous les aspects de l’activité humaine.

Il n’est ni possible ni même souhaitable de tout fouiller. L’archéologue définit alors une «stratégie» qui combine ses objectifs propres à ceux – toujours présents – de la stratigraphie. On peut ainsi reconnaître le tracé des rues, les travaux d’utilité publique – adduction d’eau ou égouts, par exemple – les boutiques ou les monuments qui les bordent: urbanisme et physionomie des quartiers apparaissent ainsi peu à peu. La fouille d’un monument, des parties conservées en élévation au niveau des fondations, renseigne sur les techniques architecturales. Les éléments d’un mur abattu, soigneusement relevés et idéalement reconstitués, suggèrent une restitution de l’élévation tandis qu’épaisseur des murs ou vestiges de couvertures effondrées rappellent planchers, toits ou voûtements. Décors ou parements extérieurs expriment enfin les choix esthétiques du bâtisseur. L’archéologue – on le voit – doit savoir tout recueillir, tout interpréter pour retrouver, au travers des vestiges qu’il dégage, l’homme même dont il explore les traces.

Ainsi, de chantier en chantier, l’archéologie est-elle beaucoup plus qu’une simple quête de vestiges et de techniques oubliées. Parfois, comme en Chine ou à Pompéi, une armée engloutie ou une ville figée à un moment de son histoire rendent patentes l’image de l’homme même ou celle d’une organisation sociale. Ces trouvailles exceptionnelles ne font que rendre sensibles les buts réels de la recherche archéologique, dont les mille découvertes obscures et fragmentaires visent au fond à retracer la vie d’une époque, ses besoins et ses goûts. Encore faut-il que les méthodes de fouille et d’enregistrement ouvrent la voie aux analyses ou aux synthèses qui seules permettront à l’équipe de conclure sa recherche.

Enregistrement et interprétation des fouilles

La fouille n’a pas pour but, on l’a vu, de mettre au jour des documents: il ne suffit pas de révéler des monuments ou de recueillir avec soin le matériel apparu. Ceux-ci ne sont que des moyens: au terme de sa journée de fouille et plus sûrement à la fin de sa «campagne», l’archéologue dispose d’un ensemble de trouvailles, parfois spectaculaires, souvent d’apparence plus modeste, qui doivent lui permettre de répondre aux questions de son programme initial comme à celles que le déroulement de la recherche a suscitées. Cette réponse de l’équipe de fouille dépend sans doute de l’interprétation qu’elle formule des faits archéologiques constatés; mais cette démarche même n’est possible que si chaque document a été archivé et analysé. Cette double opération a en outre pour but – et c’est un aspect nécessaire de l’activité de fouille – de rendre utilisable par d’autres le document qui a été détruit, il faut le répéter, alors même qu’il était découvert. L’interprétation, synthèse finale de la recherche, doit pouvoir être vérifiée, remise en question ou même refaite à tout moment. Seule la constitution et la conservation d’archives publiques consultables garantissent cette véritable bonne fin du travail: elles livrent à chacun, par-delà une conclusion subjective, le moyen de retrouver une image aussi objective que faire se peut de la réalité traitée.

Ainsi voit-on peu à peu évoluer le compte rendu d’activités que constitue le journal de fouille. Celui-ci fut longtemps – et reste encore trop souvent – un jeu de notes personnelles, donc inaccessibles aux autres chercheurs, pieusement consignées sur un légendaire «carnet». On tend à lui substituer des systèmes de fiches faciles à reproduire où appréciations qualitatives et quantitatives tendent à s’équilibrer en une plus juste et plus claire vision du terrain fouillé. Un jeu de grilles et de cases aide à situer d’emblée le lieu de la fiche où sera consignée chaque information: elles guident le chercheur comme le lecteur dans leur travail. Parallèlement, chaque élément abordé par une fouille se voit muni d’un numéro d’inventaire visible, si faire se peut, sur les photographies et, à coup sûr, reporté dans les textes et sur les archives graphiques comme sur les objets. Les architectures, sans doute, mais aussi les couches du terrain fouillé peuvent ainsi être mises en relation.

La phase suivante de l’étude fera ensuite appel, le cas échéant, aux analyses menées par différents spécialistes: l’étude des monuments, l’analyse des céramiques et l’élaboration de typologies, le traitement des monnaies et des métaux ou encore la lecture de tablettes ou d’inscriptions ne sont pas également à la portée de chacun, même si une formation de fouilleur doit prévoir une initiation très large à tous les domaines de cette recherche. L’enregistrement minutieux réalisé sur le terrain est la condition d’une parfaite mise en relation du résultat de ces travaux et du terrain fouillé; cette confrontation est à la base de la compréhension historique du site traité.

Les archives archéologiques sont donc le document fondamental de toute exploitation de la fouille. Plusieurs modes de communication des résultats en découlent. Des rapports préliminaires donnent assez rapidement un état provisoire des conclusions de l’équipe. Des typologies puis des synthèses leur succèdent: ces dernières sont censées, en un texte concis et nerveux, rendre les résultats accessibles à la communauté des chercheurs comme à un public averti. Plaquettes, montages audio-visuels, expositions présentent enfin à un vaste public les résultats de la quête archéologique.

Nous avons tenté de rappeler ici, avec le pourquoi et le comment des fouilles, les conditions de leur succès dans le monde où elles s’insèrent aujourd’hui. On se doute que ce simple schéma ne saurait retenir l’assentiment de tous. L’«archéologue» est un personnage en partie mythique dont on a vu qu’il était au fond le symbole d’une équipe de chercheurs. Il se voit confier par telle communauté humaine la charge de lire et de traduire pour tous la part de son histoire que les documents matériels encore conservés sous terre ou à la surface du sol sont susceptibles de recéler. Il ne saurait donc y avoir d’archéologie-ghetto et il faut presque se réjouir que les difficultés matérielles de la discipline l’obligent à s’ouvrir à tous. En retour, on ne saurait admettre qu’il puisse exister, à côté d’une archéologie scientifique exigeante, une archéologie du dimanche où tout serait permis, de la cueillette du silex à la réalisation de terriers anarchiques par des vacanciers en mal de découvertes. Chacun de nous est maître, donc responsable, de notre patrimoine et de son devenir. Mais chaque geste archéologique étant sans repentir possible, on comprend que, du projet à la communication des résultats, la fouille obéisse à des règles très strictes ouvrant la voie aux plus fines lectures.

L’archéologie ne cessera jamais d’être un art tant elle fait place à l’intuition et à la capacité d’assimiler des réalités fuyantes et lacunaires. Elle s’efforce d’être parallèlement une science où la démarche intellectuelle de l’historien se fonde sur le constat objectif d’un document exploité et saisi dans sa qualité comme dans sa quantité. Appareils et procédures sophistiqués, traitements informatiques s’ouvrent sans cesse davantage à l’archéologue: ils ne font que rendre plus nécessaires les quelques principes que nous avons tenté de rappeler ici. Ils permettront de procéder à de plus vastes confrontations, dont on a senti peut-être à quel point, du terrain au laboratoire, elles sont nécessaires pour que la fouille réponde pleinement à sa vocation de démarche historique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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